Cela veut dire que notre mental, notre émotionnel ou encore notre âme sont parasités par une personne manipulatrice qui consciemment ou inconsciemment brouille nos croyances, nos ressentis, nos valeurs et prend possession de nous.
Les symptômes peuvent être nombreux : confusion, dépression, changements d’humeur, problèmes alimentaires …
Voici quelques caractéristiques de la personne sous emprise :
- La personne change de comportement : son discours n’est plus le même, ses habitudes non plus, elle critique des choses qu’elle appréciait auparavant, fait des actes allant à l’encontre de ses principes moraux, de ses valeurs, de ses habitudes…
- La personne change de style vestimentaire, se néglige physiquement : cesse de prendre soin de son apparence.
- La personne s’isole : elle voit de moins en moins de monde en dehors du cercle du manipulateur, si celui-ci est identifié, arrête ses activités extérieures, même si elle les adorait… Voit de moins en moins ses amis, sa famille…
- La personne se dévalorise, pense qu’elle ne vaut pas grand-chose.
- La personne ne se sent pas heureuse, se dit peut-être déprimée, sent que quelque chose ne va pas sans pouvoir le nommer.
- La personne devient apathique, motivée pour de moins en moins de choses, reste sans rien faire, devant la télé par exemple, alors qu’auparavant elle était plutôt dynamique, meneuse.
- La personne a une fatigue récurrente latente sans raison valable.
- La personne prend ou perd du poids de façon anormale ou inhabituelle.
- La personne a des troubles du sommeil.
- La personne développe des maladies somatiques : maux de tête, de dos, maladies de peau, maladies du système sanguin…
- La personne commence une conduite addictive : alcool, cannabis…
En consultation, la personne sous emprise est souvent dans une impasse qui rend le
thérapeute impuissant.
Si je change j’aurai des représailles de la personne qui me maintient sous emprise, si
je ne change pas je reste avec tous mes symptômes et ma souffrance.
Comment faire lorsqu’on accompagne une personne sous emprise ?
Notre premier mouvement est de venir en aide, de « sauver » la victime.
Vous entendez cette maltraitance en toile de fond et percevez souvent l’inconscience de la victime.
La victime se sent souvent dévalorisée, déprimée, elle manque de confiance et se
sent toujours terriblement coupable de son état et elle ne relie pas son état à une
relation toxique (avec son mari, sa mère, son père , sa sœur …)
Certaines choses qu’elle vous raconte vous choquent et c’est très tentant d’intervenir de suite en la confrontant.
Du genre : comment pouvez-vous accepter que votre mari vous insulte et jette le
repas parce qu’il ne lui convient pas ??
OU votre mère est un vrai dragon, il est temps de chercher un appartement …
Ces interventions sont extrêmement dommageables :
- si la personne n’est pas du tout consciente de son état de victime d’emprise
- si vous n’avez pas une alliance forte avec elle
- si elle n’a pas encore de ressources intérieures et extérieures pour quitter cette
relation.
Agir ainsi c’est méconnaitre la force du bourreau qui a tissé sa toile depuis de
nombreuses années privant sa victime de sa famille, de ses amis proches, de
revenus décents …
L’emprise est un processus insidieux semblable à du poison qui donne d’abord des petits troubles digestifs, des nausées , des vertiges … et c’est si loin de la prise de ce poison qu’on ne fait pas le rapprochement.
Pour aider une victime d’emprise, il faut donc être stratégique ! Voici les principes :
- Rassurer le bourreau. L’important c’est que la personne qui garde sous emprise sa proie soit rassurée que le traitement va bien dans son sens c.-à-d. que la personne redevienne comme avant sans interpeller la relation ( bref : mission impossible). On ne va JAMAIS proposer des solutions qui déplairaient au bourreau. Au début on va aider notre patient(e) à être encore meilleure proie pour rassurer le prédateur.
- On va bénéficier de ce temps pour aider la personne à se (re)constituer des ressources pour pouvoir quitter le moment venu : lien thérapeutique fort, valorisation, écoute empathique, modélisation d’un type de relation sain et respectueux …
- Replacez toujours la normalité, les limites saines, dans la conversation, l’air de
rien. - Au fur et à mesure du travail, la pensée s’éclaircit, la proie s’éloigne un peu
du système et peut commencer à l’observer et prendre conscience de sa
violence. - Ensuite petites avancées pour enlever quelques pattes de la toile :
recherche d’un boulot, de cours, d’un réseau sans trop inquiéter le bourreau.
La personne ne va pas dire : « je vais trouver du boulot pour pouvoir te
quitter» cela va créer d’emblée un renforcement de l’emprise mais « je me
sens très dépressive peut-être que trouver un petit boulot me remonterait un
peu le moral et je pourrai mieux t’accueillir quand tu reviens du boulot. » - !!! Être attentif(ve) à ne pas devenir le nouveau gourou de la personne et
que celle-ci quitte une emprise pour une autre !!! - Quand la personne comprend qu’elle est dans une relation toxique pour elle, il
est important de l’aider à comprendre tous les bénéfices de ce type de
relation. C’est une règle d’or de l’évolution, on ne peut quitter un mode de
fonctionnement si on ne l’a pas honoré avant. Reconnaitre l’aide que cette
emprise a apporté facilite le nouveau départ.
Car si c’est si difficile de s’en sortir c’est bien parce que cette relation apporte
beaucoup de bénéfices psychologiques : sécurité absolue, régression, on se
met sur le porte paquet de l’autre, économie des questions existentielles : qui
suis-je ?, pourquoi suis-je sur terre ? , économie des choix, des confrontations
avec le réel..
L’emprise peut jouer le rôle d’un ventre qui continue à porter un enfant
pourtant à terme.
Il faut donc se préparer à subir de nombreux sabotages de votre patient(e). Celui-ci ou celle-ci va souvent exciter le bourreau, le provoquer et créer un renforcement de son emprise.
C’est la peur de quitter ce système sécurisant qui va amener la ou le patient(e) à réactiver ce type de relation.
Certaines personnes vont par exemple raconter certaines choses que le (la) thérapeute a dites et qui vont susciter la méfiance du bourreau qui va agir sur le lien thérapeutique en le dénigrant, en proposant un espacement des séances ou tout simplement l’arrêt du traitement.
Exemple : ma thérapeute m’a dit que tu étais un manipulateur pervers et que je
devais te quitter au plus vite !
C’est donc un long chemin semé d’embuches qui va déboucher ou non sur une libération et une autonomisation de la personne sous emprise.
Ces signaux peuvent laisser penser qu’il y a violences psychologiques et harcèlement moral, dont l’instauration d’une relation d’emprise.
Que faire si vous identifiez cette situation pour une personne à laquelle vous tenez
particulièrement ?
- Avoir toujours à la conscience que cette personne est sous emprise, et que son fonctionnement cognitif est paralysé/parasité par celui de son manipulateur. Avec une personne sous emprise, il faut également faire le deuil d’une communication normale, sinon, cela se retournera contre vous.
Vous ne pouvez globalement rien faire, seule la personne sous emprise peut prendre conscience de sa situation et décider de la changer. Vous ne pouvez qu’être là et garder la porte ouverte. - Ne surtout pas lui parler de front, ne pas lui dire qu’elle se trompe, lui dire qu’elle est manipulée, cela ne fera que renforcer l’emprise exercé sur cette personne, renforcer sa croyance que le monde extérieur est sinon dangereux au moins hostile.
- Ne pas exercer des pressions d’aucune sorte, ne pas utiliser la force verbale ou physique pour lui faire comprendre, c’est le meilleur moyen de voir les liens être coupés définitivement.
- Ne dites pas de mal du manipulateur, cela se retournera contre vous « tu vois ils ne m’aiment pas ! »… Hé oui la preuve en est faite.
- Préserver le lien qui vous retient à elle coûte que coûte, c’est à vous de faire l’effort, car le manipulateur tente de couper ce lien pour parfaire une emprise totale. Pour préserver ce lien, il faut savoir ravaler sa fierté, mettre de l’eau dans son vin, etc. Accepter et puiser dans ses ressources internes. C’est dur et épuisant mais plus le manipulateur est fort, plus il tentera de briser ce lien et plus vos rapports avec lui seront psychologiquement violents. Feintez, cachez vous, évitez les attaques frontales, soyez malins, mais tenez. N’entrez jamais en guerre ouverte.
- Soyez patients, très patients… Tout se joue sur la durée. Tolérez la scène de destruction qui se joue sous vos yeux, ce n’est pas votre faute et vous ne pouvez rien y faire, seule la victime peut ouvrir les yeux. n’intervenez pas, cela se retournera contre vous.
- Replacez toujours la normalité, les limites saines, dans la conversation, l’air de rien. Racontez votre quotidien, vos joies et vos bonheurs, le manipulateur ne supporte pas le bonheur et la victime est privée de plaisirs, rappelez-lui que ça existe, faites étalage de vos émotions positives. Glissez dans la conversation des situations et des scènes en relation avec la réalité allant en contradiction avec son vécu : « oh un tel et une telle viennent de se marier, ils nagent dans le bonheur, elle rigole tout le temps, ils passent leur temps à se faire des petits bisous et à sortir » (= tu vois quels sont les rapports d’amour normaux dans un mariage ?), « tu te souviens de untel ? Il a été licencié – pas d’argent – mais en a profité pour s’offrir des vacances au soleil » (= le manque d’argent n’est pas un frein au bonheur ni à la liberté), « avec les copines, on a décidé de se faire une soirée fille à la salle de sport tous les jeudi soirs, on s’amuse comme des folles, ça fait du bien » (= c’est dommage que tu ne viennes pas, pourtant tu adorerais)… Je vous laisse composer en fonction du tempérament de la victime.
- Rappelez-lui son passé, ce qu’elle aimait, les moments de bonheur partagés. Un rappel du bonheur ne fait pas de mal dans une situation où tout n’est que douleur et confusion, chagrin et monotonie. Cela permet de réveiller les sensations positives du passé, sensations oubliées, mais qui peuvent revenir, et pour lesquels elle doit se battre.
- Réveillez son esprit critique par des questions commençant par « et tu trouves ça normal que … ? » ou « que penses-tu de … ? ». Le manipulateur la nie en tant qu’être pensant, donner-lui la possibilité d’exister et de s’exprimer.
Réhumanisez-la. - Complimentez-la. Même sous emprise, un compliment, une flatterie, ça fait
toujours plaisir (et au passage ça renforce le lien). Sans compter que cela
redonne un peu de vitalité à l’estime de soi, que le manipulateur piétine
allègrement.
Bref usez et abusez de la manipulation positive…
Quand la victime commence à prendre conscience de la situation, qu’elle vous dit qu’il se passe des choses étranges dans sa vie, qu’elle ne va pas bien, ne minimisez pas ses dires, croyez-la. Dites-lui que la situation qu’elle vit n’est pas normale, ne parlez pas immédiatement de manipulation, ne critiquez pas immédiatement le manipulateur qui est encore tout puissant dans son esprit, et vers lequel elle pourrait repartir. Il semblerait que les victimes de manipulation se conduisent avec la manipulation comme des drogués avec leur produit. Ne criez pas victoire trop vite, attention à ne rien faire qui mette en danger votre lien à la victime. Celle-ci est dans une sorte de flou, elle ne sait plus ce qui est vrai ni ce qui est faux. Rappelez-lui que vous êtes là, que vous tenez à elle, que vous êtes à sa disposition pour l’écouter, mais ne forcez rien, ne jugez pas sa situation, ni ce qu’elle a pu faire pendant cette période, c’est elle et elle seule qui peut se débarrasser des liens qui la lient au manipulateur.
Comme toujours, usez et abusez de la manipulation positive…
Quand enfin elle exprime le souhait de partir, de sortir de l’emprise : soyez présents ! Tendez la main, ouvrez votre porte et votre porte-monnaie (oui en général on sort de ce genre de relation plumé si ce n’est surendetté). Et soyez patients, très patients…
La victime doit se retrouver, retrouver ses repères dans la réalité, se réapproprier une intimité, reconstruite son âme, sa vie, faire face à la violence subie, se débarrasser de tous les comportements et toutes les peurs induites par l’agresseur…
C’est un énorme travail (croyez-moi !).
Vous pouvez l’aider en :
- Etant patient et la laissant seule si elle le souhaite, même si elle se lève à midi, mange n’importe quoi, reste enfermée… Il faut se retrouver avec soi-même un long moment après avoir vécu l’omniprésence du manipulateur…
L’intimité, le droit à la vie privée, c’est un bonheur sans nom. - En étant à son écoute, même si elle ressasse et ne pas le lui reprocher…
Parler, c’est évacuer une part du traumatisme. - En lui proposant une aide psychologique, votre aide est certainement bénéfique, mais rien ne remplace un professionnel, et dans ces cas là, deux aides valent mieux qu’une.
- En lui proposant un retour progressif à une vie sociale : activité artistique, sportive, musicale… Eviter de lui parler argent et travail, elle n’est pas prête pour travailler à ce stade, elle a besoin de toute sa tête et de temps pour se reconstruire.
- En lui proposant des activités de loisir, des sorties, des balades, en lui donnant le droit de se réapproprier le plaisir.
- En lui réapprenant à vivre dans le monde réel : gestion des comptes, des papiers, les aides dont elle peut bénéficier…
- En lui ôtant tout sentiment de culpabilité : ce qu’elle a vécu n’est pas de sa faute, le manipulateur est un prédateur, cela peut arriver à tout le monde, le processus ne fonctionne que parce qu’il est indétectable au départ.
N’hésitez pas à le rappeler… On ne le dit jamais assez ! - En lui apportant une présence affective, chose qu’elle n’a pas eu depuis longtemps.
- En lui renvoyant une image positive d’elle-même. Ai-je déjà dit : usez et abusez de la manipulation positive…?
- En reconnaissant son statut de victime, sa souffrance, le traumatisme en cours et la violence subie.
- En l’aidant à repérer et comprendre et nommer toutes les situations anormales subies, en parlant de la manipulation et en se documentant sur le sujet.
En tous cas, laissez la victime faire son chemin dans sa tête. Même si elle a l’air passive et apathique (c’est super dur de sortir de l’apathie), soyez assurés qu’elle n’a pas bravé toutes les phases de la sortie de l’emprise, réveillé sa force de vie, mis en œuvre toutes ses forces, pour rester à ne rien faire le reste de sa vie. C’est certain… A un moment, elle sera assez reconstruite pour que la vie reprenne le dessus. Mais ça peut être long, se compter en mois ou en années, mais ça viendra. La sortie de l’emprise rend fort !